Légalisation du cannabis médical en France : le report qui passe mal !

france cannabis

La France recule la date de la légalisation de cannabis à usage médical d’un an. La pilule ne passe pas du tout auprès des associations de patients. Et pour cause ! Mars 2023 devait sonner comme le début d’une nouvelle ère, celui de la fin de la souffrance pour des milliers de victimes de maladies graves. Pourquoi ce report a-t-il eu lieu et pourquoi ce revirement fait-il polémique ? L’équipe de Greentropics.co revient sur cet événement.

Expérimentation médicale prolongée

La France, par l’intermédiaire de la Direction Générale de la Santé (DGS), vient d’annoncer le prolongement de l’expérimentation de cannabis à usage médical. Sa légalisation n’interviendrait, désormais, qu’en avril 2024.

Un petit rappel des faits s’impose. En retard concernant l’expérimentation médicale du cannabis, la France avait décidé de passer la vitesse supérieure en mettant en place, en mars 2021, un projet de loi autorisant l’usage du cannabis médical auprès de 3 000 patients.

Toujours en cours, l’étude vise à tester des traitements à base de cannabis sur des personnes souffrant de 5 maladies graves (épilepsies, cancers…). Selon les premiers résultats, les avis sont extrêmement positifs, car 70% des patients testés jusqu’alors se déclarent satisfaits.

Nicolas Authier, médecin psychiatre au CHU de Clermont Ferrand, relayé par Libération, abonde dans ce sens. « Des rumeurs disent que les chiffres ne sont pas positifs, mais c’est faux. Des rapports d’évaluation montrent que des patients sont enfin mieux soulagés ».

Cette expérimentation devait poser les fondations d’une légalisation généralisée de certains traitements dans l’hexagone à partir de mars 2023.

La France botte en touche une fois de plus

Cette expérimentation thérapeutique était, à ce jour, la seule exception positive de la politique encadrant la plante de chanvre en France. Selon la DGS, le report est expliqué par les raisons suivantes :

légalisation cannabis médical
Expérimentation prolongée en France
  • Le manque de données sur les gains par rapport aux traitements habituels auxquels les symptômes sont réfractaires ;
  • L’impréparation de la filière du cannabis médical en France ;
  • La nécessité de mise en conformité avec les instances européennes ;
  • L’absence de positionnement sur la prise en charge des traitements par l’Assurance Maladie ;
  • Le manque de prescripteurs en médecine de ville.

Pour le gouvernement français, ces arguments sont légitimes, estimant que la filière de production et de distribution n’est pas prête. De facto, les conditions de légalisation ne sont pas réunies, comme le souligne Frantz Deschamps, président de Santé France Cannabis, dans Libération :

« Notre combat est le même que les patients : qu’ils aient accès des médicaments remboursés via la généralisation. Notre objectif n’est pas de retarder pour favoriser la filière française, mais d’acter dès maintenant une généralisation qui se fera en avril 2024 et de mettre en place une période transitoire pour régler les questions liées au remboursement et statut réglementaire. »

Incompréhension et colère pour les associations de patients

Du côté des patients et de leurs représentants, le son de cloche est tout autre : ces raisons symbolisent encore et toujours un cruel manque de volonté politique. Plusieurs associations de patients n’ont pas tardé à condamner avec fermeté cette décision.

« Principes Actifs », structure rassemblant des patients atteints de maladies reconnues comme réagissant favorablement au cannabis, dénonce un verdict unilatéral dans un communiqué. L’association critique des arguments qui ne sont pas recevables un an et demi après le lancement du projet

Les patients sont en droit de se demander pourquoi ces points (les raisons invoquées) n’ont pas été réglés plus tôt. Comment est-il possible que rien de pérenne n’ait été statué sur le circuit de prescription et le remboursement des médicaments par l’Assurance Maladie, alors qu’il s’agissait de l’objet de l’expérimentation ?

En outre, le collectif rappelle, entre autres, que plusieurs acteurs sont capables de fournir des médicaments dès avril 2023.

cannabis chimiothérapie
L’étude concerne notamment des traitements consécutifs à la chimiothérapie et au cancer

Béchir Saket, porte-parole de l’association L630, rajoute « le gouvernement doit choisir entre les revendications des industriels qui demandent un délai supplémentaire pour produire et l’intérêt des malades. Céder à cette idée de prolonger la phase de tests voudrait dire que le gouvernement prend le parti des industriels. Cette incohérence-là serait inacceptable, car on parle de la dignité de gens en souffrance. »

Des patients pris en otage

Ce report est avant tout une terrible nouvelle pour des personnes qui n’arrivent pas à soulager leurs maux via les médicaments disponibles.

Tous les collectifs de défense des patients sont unanimes, « Privilégier des intérêts économiques à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie de dizaines de milliers de malades souffrant de symptômes chroniques et lourdement invalidants constitue une rupture dangereuse avec l’éthique de santé publique ».

Les représentants de Principes Actifs persistent et signent « Des dizaines de milliers de patients atteints de pathologies aux symptômes sévères et invalidants continuent de souffrir en attendant un accès aux médicaments à base de cannabis. Prétexter que la filière française de production n’est pas prête n’est en aucun cas l’affaire des patients. »

Et, ailleurs, comment ça se passe ?

Cette annonce risque de confirmer la France comme l’un des mauvais élèves du cannabis thérapeutique. Pour rappel, au-delà des frontières, une trentaine de pays dans le monde autorise son usage à ce jour.

Depuis 2001, les Canadiens ont un permis de fumer du cannabis pour soulager les maux du cancer ou du SIDA ; aux Pays-Bas, se procurer du cannabis en pharmacie est tout à fait possible en présentant une ordonnance ; en Israël, plus de 100 000 patients consomment du cannabis médical de façon quotidienne.

Des exemples comme ceux-là, il en existe des dizaines, des États-Unis au Luxembourg, en passant par l’Argentine, le Chili ou encore le Portugal.

Rendez-vous pris en 2024 pour la France ?

Auteurs:
Vincent Grethen
Vincent Grethen
Rédacteur web et expert en contenu digital, Vincent se met au service de l'or vert afin de répondre aux interrogations des lecteurs de Greentropics !