Le gouvernement allemand vient de dévoiler le cadre pour une légalisation du cannabis à usage récréatif en 2024. Si le projet doit encore être validé par la commission européenne, ses mesures s’annoncent comme les plus libérales de l’Europe du cannabis. Retour sur les grandes lignes de la réforme, sans oublier d’évoquer les premières inquiétudes et critiques qui ont suivi.
Après la publication étrange de possibles mesures de la future légalisation du cannabis récréatif, le gouvernement allemand d’Olaf Scholz a rectifié le tir. Ce mercredi 26 octobre, le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, a présenté le plan visant à encadrer cette dite légalisation – promise par la coalition depuis décembre 2021 – de manière officielle à la presse.
Les mesures phares du projet
- Toute personne de plus de 18 ans serait autorisée à posséder jusqu’à 20 à 30 grammes de cannabis destinés à sa propre consommation.
- L’usage par les moins de 18 ans continue d’être en revanche rigoureusement interdit. Cette volonté sera, en outre, appuyée par une forte politique de prévention
- Culture personnelle permise à raison de 3 plants par personne et par an
- Publicité autour de la marijuana interdite
- Vente au sein de magasins agréés
- Chanvre et CBD retirés de la loi sur les stupéfiants
Contrôle public et meilleure protection des jeunes
Ce projet ambitieux et unique sur la scène continentale vise avant tout à « assurer un contrôle public de la chaîne d’approvisionnement, garantir la protection sanitaire et enrayer la criminalité organisée ainsi que le marché noir ».
Tout est minutieusement pensé dans un cadre strict entourant « la production, la livraison et le commerce de cannabis récréatif via des licences contrôlées par l’Etat ».
La coalition feu tricolore (sociaux-démocrates, Verts, libéraux) se veut rassurante. Son objectif premier est « d’obtenir une meilleure protection des enfants et des jeunes », en pointant du doigt des politiques jugées totalement inefficaces jusqu’à maintenant.
Karl Lauterbach symbolise l’ouverture d’esprit sur ce sujet qui fait tellement débat sur la scène internationale. Il rappelle que « J’ai toujours été opposé à la légalisation du cannabis, mais j’ai revu ma position il y a environ un an. Je pense que les dangers d’une non-légalisation sont plus importants »
Inquiétudes
Malgré l’enthousiasme que suscite cette réforme innovatrice, l’association des pharmaciens allemands a tenu à mettre en garde contre les risques pour la santé de la légalisation du cannabis.
Par ailleurs, le Mitteldeutsche Zeitung souligne « Les experts en criminalité jettent un regard critique sur ce projet gouvernemental, craignant l’apparition d’un tourisme de la drogue en provenance des pays voisins et d’un développement d’un marché illégal parallèle »
En attente du feu vert du Bundestag et de l’Union Européenne
Si les choses avancent dans le bon sens, la légalisation n’a encore rien d’officiel, car tout dépend de l’examen de la Commission Européenne et du Bundestag.
« Nous sommes dans une phase où nous examinons si les grandes lignes que nous avons élaborées dans ce document sont compatibles avec le droit international et européen », indique le ministre allemand de la Santé.
Autrement dit : sans accord venant de ces entités, la loi ne verra jamais le jour.
Un modèle pour l’Europe ?
Lors de la conférence de presse, Karl Lauterbach a déclaré : « Si cette loi devait être adoptée, ce serait le projet le plus libéral de légalisation du cannabis en Europe, mais aussi le marché le plus réglementé ».
Si le projet était mis en place, le pays d’Outre Rhin serait le 2ᵉ de l’Union Européenne à légaliser le cannabis après Malte.
Bien consciente des exemples en cours dans le monde, l’Allemagne ne veut pas copier le contexte des Pays-Bas marqué par une vente autorisée dans les coffeeshops sous licence, mais dont la culture, la distribution et la possession restent des infractions pénales.
Au premier abord, le projet serait plus similaire au modèle de commercialisation en cours au Canada et dans certains États des États-Unis.
Luxembourg et République Tchèque à l’affût
Avant 2024 et l’Allemagne, deux autres pays européens pourraient, eux aussi, légaliser le cannabis récréatif.
Le gouvernement du Luxembourg a déposé le 22 juin 2022 un projet de loi prévoyant notamment l’autorisation de la culture à domicile de cannabis (quatre plants maximum).
En République Tchèque, l’annonce a en a surpris plus d’un, Lors d’une conférence de presse (octobre 2022) le coordinateur de la lutte contre la drogue a évoqué la possibilité de légalisation dans un vaste plan de lutte contre la dépendance.
En attendant ces deux affaires à suivre de très près, nous rappelons que l’Espagne tolère la production et la consommation personnelle dans les lieux privés, tout en interdisant le commerce et la consommation dans les lieux publics.
Quant au Portugal, le pays a décriminalisé la consommation et la détention de toutes les drogues depuis 2001.
Quid de la France ?
Championne de la répression, la France compte pourtant 900 000 personnes consommant du cannabis chaque jour. Si le débat autour de la plante et de ses dérivés revient souvent dans l’hémicycle ou dans les médias, comme ce fut le cas, récemment, dans une tribune publiée dans le Monde ou par l’intermédiaire de Julien Bayou, la majorité se montre toujours aussi inflexible et intransigeante.
