Cette semaine, de nombreux médias internationaux ont relayé un document évoquant les premières mesures du projet de légalisation du cannabis en Allemagne. Les critiques qui ont suivi les propositions jugées, pour certaines, aberrantes et le démenti du ministère allemand d’Outre Rhin interrogent sur la réelle valeur de ce document. Alors fake ou véritables prémices d’un programme qui devrait s’officialiser en fin d’année ? Greentropics essaye d’y voir plus clair.
L’Allemagne vise la légalisation
Pour décortiquer ce qui s’est passé dans la sphère cannabique allemande, il convient de revenir un an en arrière.
À cette époque, la toute nouvelle coalition feu tricolore composée du SPD, des Verts et du FDP convient dans un contrat commun d’introduire « la distribution contrôlée de cannabis aux adultes à des fins de consommation dans des magasins agréés ».
En d’autres termes, la voie s’ouvre à une légalisation du cannabis en Allemagne dont le projet de loi doit être publié durant le second semestre 2022.
Dès lors, quand un rapport exposant les principaux enjeux de la légalisation sort dans la presse en cette fin d’octobre, le timing semble cohérent.
L’information voyant l’Allemagne toujours plus proche de devenir le premier marché européen du cannabis récréatif séduit les médias des quatre coins du globe qui ne tardent pas à relayer publiquement ce-dit document.
Quelles sont les mesures du projet allemand ?
Après plusieurs mois d’un processus mené par le commissaire fédéral aux drogues Burkhardt Blienert avec divers experts nationaux et internationaux, les principales mesures à retenir dans le rapport qui a fuité sont les suivantes :
- Possession de 20 grammes de cannabis avec un taux de THC de 15% maximum autorisée pour les adultes de plus de 21 ans
- Entre 18 et 21 ans, la teneur en THC ne peut pas dépasser 10%, mais la possession de 20 grammes reste légion
- Consommation dépénalisée pour les mineurs
- Autorisation d’une culture personnelle de deux plantes de cannabis
- Cannabinoïdes de synthèse interdits
- Interdiction de publicité entourant les produits à base de cannabis
- Points de vente de cannabis au sein de magasins agréés et réglementés, ainsi que dans les pharmacies
- Possibilité de mettre en place une taxe sur le cannabis
- Culture de cannabis exclusivement allemande
Interrogations à la pelle
Le document stipule que cette évaluation est seulement « provisoire ». Peu importe, l’information fait l’effet d’une bombe médiatique, rapidement reprise en l’état par les journaux et sites internet.
D’autres médias ont préféré analyser ces mesures avec des pincettes. Le ministre allemand de la santé, Karl Lauterbach, n’a pas confirmé le rapport et « a renvoyé à des concertations encore en cours au sein du gouvernement fédéral », assure par exemple Die Welt.
Le quotidien de référence stipule en outre que « les critiques fusent en Bavière ».
Pour le Cannabiste, ce document n’est qu’un brouillon défini comme un fake en s’appuyant notamment sur les commentaires de BR.de : « Le ministre de la Santé, Karl Lauterbach (SPD), vient d’annoncer qu’il n’y a pas de document distinct sur les principales questions concernant la légalisation du cannabis ni de document coordonné avec les autres ministères. Selon lui, certaines choses ne sont toujours pas claires, notamment des questions de droit européen. »
Critiques allemandes
Le média français et die Tageszeitung, qui qualifie le rapport de « mystérieux document », insistent sur le caractère non sérieux de certaines propositions. Et pour cause !
« Ne légaliser que le cannabis ne contenant pas plus de 15 % de THC, et même 10 % pour les consommateurs de 18 à 21 ans » – est « une aberration ». En effet, le journal germanophone rappelle que de multiples produits possèdent une teneur en THC allant de 20 à 30%.
De plus, le média s’interroge sur la viabilité de ces procédés, imaginant la police « réaliser des saisies quasi systématiques et vérifier que les substances ne dépassent pas légèrement le taux de THC autorisé ».
La troisième grosse critique vient de la limitation de deux plantes par personne « qui ne répond pas aux besoins annuels des consommateurs, qu’ils fument pour le plaisir ou pour des raisons thérapeutiques ».
Enfin, la dernière surprise provient de ce projet de culture exclusivement nationale qui, à court terme, « ne peut pas satisfaire la totalité de la demande allemande ».
En résumé, qu’il s’agisse d’idées provisoires ou d’une vaste blague, de nombreuses mesures sont considérées comme absurdes. Reste à connaître désormais les conséquences de ces réactions au sein de la politique allemande. L’affaire se doit, en tout cas, d’être suivie de près.
