Maroc : weed médicale en salle d’attente

cannabis au Maroc

Même si l’Agence marocaine de réglementation des activités relatives au Cannabis (ANRAC) annonce avoir délivré 10 autorisations de production, dans la région du Rif, la transition vers la production de cannabis médical s’avère beaucoup plus lente que prévu. Résultat : les récoltes sont en berne et les agriculteurs glissent dans la précarité en voyant leurs revenus cruellement baisser. État des lieux dans le pays premier producteur mondial de haschich, selon l’ONU.

Changement de statut pour le Maroc

Connu pour sa production mondiale de cannabis à usage récréatif, le Maroc a décidé de remodeler totalement son image en 2021. Cette année-là, le parlement adopte une loi légalisant la production de cannabis à des fins exclusivement médicales, cosmétiques et industrielles.

« L’autorisation de la culture de cannabis n’est octroyée que dans la limite des quantités nécessaires pour répondre aux besoins des activités de fabrications de produits à des fins médicale, pharmaceutique et thérapeutique ».

Les objectifs sont multiples :

  • En finir avec le trafic illicite de cannabis ;
  • Positionner le pays sur le marché légal de la fameuse plante ;
  • Réduire la pauvreté dans les régions du nord du Maroc (Al Hoceima, Chefchaouen et Tétouan) en délocalisant la production vers une économie légale. Le cultivateur percevrait 12% du chiffre d’affaires sur le marché légal, contre seulement 4%, actuellement, sur le circuit illégal.

Weed légale : objectif séduction

Le Maroc, ainsi que d’autres pays africains (Afrique du Sud, Eswatini, Ghana, Lesotho, Malawi, Nigeria, Zambie et Zimbabwe), comprend que le marché international du cannabis évolue. Et ces régions sont prêtes à monter dans le wagon d’une tendance en plein essor : le boom du cannabis légal international.

En témoigne notamment le soutien du Maroc concernant une initiative des Nations Unies reconnaissant l’intérêt médical du cannabis.

Dès lors, le projet s’annonçait prospère pour le Maroc et sa célèbre région du Rif. Près de deux ans plus tard, la réalité est tout autre.

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En 2019, les cultures couvraient 55.000 hectares y faisant vivre entre 80.000 et 120.000 familles dans le Nord du Maroc.

Transition ralentie

Plusieurs raisons expliquent aujourd’hui la trop lente transition vers une production totale de cannabis médical.

Tout d’abord, l’agence centrale (ANRAC), chargée de réglementer la filière du cannabis légal, vient à peine de voir le jour (juin 2022). Cette structure publique doit contrôler toutes les étapes de la chaîne de production, depuis l’importation des semences et la certification des plants, jusqu’à la commercialisation des produits issus du cannabis.

Il s’agit d’un élément essentiel de la nouvelle stratégie marocaine.

Par ailleurs, ce retard s’explique aussi par un contexte politique délicat (élections législatives de 2021 provoquant le report de nombreuses décisions importantes et situation mouvementée au Sahara).

Les temps sont durs pour les cultivateurs

La lenteur de la mise en œuvre et la concurrence de la culture du chanvre en Europe désespèrent les cultivateurs locaux, qui doivent, en outre, faire face à une faible demande et les ravages de la dernière sécheresse sur les cultures.

« On reste attachés à cette plante et pourtant elle ne nous rapporte plus rien », se plaint cette cultivatrice de chanvre à Azila, dans le quotidien La Croix. « Plus personne n’en veut ! »

Les revenus agricoles annuels liés à la culture du cannabis ont chuté de près de moitié (500 millions d’euros bruts au début des années 2000 à moins de 325 millions en 2020).

« Le marché a considérablement chuté. Il ne nous reste plus que la prison », souligne un autre agriculteur.

À ce paramètre économique défavorable, il faut ajouter une image qui n’évolue toujours pas pour les principaux intéressés, derniers maillons de la chaîne. « À l’heure actuelle, rien n’a changé pour nous. On est toujours considérés comme des malfrats, des criminels, alors que nous ne sommes que des agriculteurs », souligne un agriculteur dans le reportage du même quotidien.

L’impatience crée des incertitudes et une certaine méfiance des agriculteurs envers le gouvernement.

Prochaines étapes

maroc cannabis thérapeutique
La production de cannabis thérapeutique nécessite de connaître des techniques spécifiques

Malgré les doutes et les embûches, le gouvernement se veut confiant et rassurant « Il peut y avoir de l’appréhension, mais la légalisation va la dissiper, car elle va profiter aux cultivateurs », souligne une source anonyme des autorités de Rabat, rappelant « qu’il y a des étapes à respecter ».

Kenza Afsahi, sociologue spécialiste du cannabis dans la région du Rif, renchérit : « Nous devons prendre le temps de poser les bonnes bases. Il est notamment important de sensibiliser toutes les parties prenantes à ces changements, y compris la communauté médicale, et de veiller à ce que les cultivateurs puissent adhérer aux règles régissant la production. »

Pour le moment, l’Agence, chargée de réglementer le projet, a délivré 10 autorisations pour les activités de transformation, de production, de commercialisation et d’exportation de cannabis à des fins médicales et pharmaceutiques.

Dans un second temps, l’agence va mettre en place les premières coopératives de transformation et de fabrication, composées exclusivement de cultivateurs locaux. Ces derniers sont aussi formés aux spécificités techniques de ce nouveau type de production par les associations locales.

« Le travail de médiation est compliqué pour des raisons procédurales. Mais si la démarche des autorités est inclusive, alors de belles choses peuvent être réalisées », explique à l’AFP Soufiane Zahlaf, représentant des villageois d’Azila (Rif).

Auteurs:
Vincent Grethen
Vincent Grethen
Rédacteur web et expert en contenu digital, Vincent se met au service de l'or vert afin de répondre aux interrogations des lecteurs de Greentropics !