Une vaste étude réalisée au Danemark relance le débat autour du lien entre schizophrénie et le cannabis. Alors, la weed provoque-t-elle vraiment la schizophrénie ou est-ce que la maladie influence la consommation d’herbe ? Nous tentons de faire le point sur un sujet toujours délicat.
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La schizophrénie est une maladie mentale qui touche environ 1% de la population mondiale et 60 000 personnes en France selon l’insem, principalement des personnes âgées entre 15 et 25 ans.
Les symptômes les plus connus de la schizophrénie sont :
- Symptômes délirants, hallucinations, modification de la perception de la réalité
- Symptômes négatifs : émotions émoussées, appauvrissement de la vie psychique. Difficultés cognitives, désorganisation de la santé
Marijuana à l’origine de la schizophrénie ?
Une grosse consommation de weed provoque un état schizophrène. Telle est la conclusion de la dernière grosse étude réalisée au Danemark. Ces travaux ont été menés par des scientifiques danois spécialisés dans la santé mentale.
L’objet de l’analyse a porté sur les dossiers médicaux d’environ 7 millions de Danois.e.s, entre 1972 et 2021. Toutes ces personnes avaient entre 16 et 49 ans. Selon, les conclusions de l’étude, 3000 cas de schizophrénie (soit le tiers du total des diagnostics présentant cette maladie) auraient pu être évités s’il n’y avait pas eu de consommation de cannabis.
« Nous avons constaté que la proportion de cas de schizophrénie attribuables à un trouble lié à la consommation de cannabis, et ceux qui auraient pu être évités, était beaucoup plus élevée chez les hommes que chez les femmes et, en particulier, chez les hommes plus jeunes, chez qui le cerveau est encore en cours de maturation », conclut Carsten Hjorthøj, scientifique principal de l’étude
Limites de l’étude
Avant de penser que fumer des joints nous conduit à devenir schizophrène, il convient de lire entre les lignes des conclusions.
Tout d’abord, il n’y a aucune définition de faite concernant « le trouble lié à la consommation du cannabis » ni sur celle de l’usage du cannabis. À partir de quelle fréquence, quelle quantité, parle-t-on d’une grosse consommation de cannabis ?
En outre, cette étude a été réalisée sans tenir compte des registres médicaux complets de chaque individu inclus dans l’étude. Comment tirer des conclusions sans réellement connaître les antécédents de santé de ces personnes ?
Par ailleurs, la recherche a aussi omis de s’intéresser aux facteurs liés au mode de vie de chacun.e
Enfin, comment généraliser à l’échelle mondiale lorsque l’étude concerne uniquement des personnes résidant au Danemark. Régimes alimentaires, systèmes de santé ou encore cultures diverses sont aussi des éléments qui ont une influence sur les symptômes de schizophrénie et pourtant bien différents d’un pays à l’autre.
Relation schizophrénie – cannabis : que savons-nous ?
Les effets que pourraient provoquer la weed sur l’aspect mental intéressent les intellectuels et scientifiques depuis le 19ᵉ siècle.
Depuis, les études et recherches diverses se sont multiplié sur la question. De nombreuses ombres subsistent toujours, mais les conclusions connues jusqu’alors s’accordent sur certains points :
- 20 à 40% des personnes schizophrènes consomment du cannabis
- Les symptômes délirants sont favorisés par la consommation de cannabis chez les gens qui ont déjà une schizophrénie
- Le cannabis provoque une toxicité au niveau des cellules cérébrales ; facteur favorisant le déclenchement de la schizophrénie.
- La consommation de weed avant l’âge de 15 ans dynamiserait la pathologie, car le cerveau n’est pas encore totalement développé.
- Quand il y a des antécédents de maladies psychiques, de schizophrénie, de troubles anxieux dans la famille, il est important de déconseiller la consommation de cannabis.
Malgré l’augmentation du taux de THC dans le cannabis et l’augmentation des jeunes fumant de la weed, on ne voyait pas d’augmentation des personnes souffrant de la maladie
À ce jour, rien ne confirme que la seule consommation de weed provoque directement la schizophrénie, mais les dernières études publiées sur le sujet alimentent le débat.
Le débat continue
Le travail scientifique danois se situe à l’opposé des conclusions de l’étude de Nature publiée à l’été 2018. Les travaux affirmaient que le cannabis n’enclenche pas la schizophrénie, mettant plutôt en exergue la maladie comme véritable déclencheur de la consommation de cannabis.
En effet, de nombreuses personnes souffrant de troubles psychiques consomment du cannabis pour automédicamenter leurs angoisses. Depuis que la relation a été pensée dans le sens inverse, d’autres questions ont surgi. Ces points d’interrogation sont évoqués dans cet article de Allo Docteurs.
- Est-ce que le cannabis déclenche la schizophrénie chez quelqu’un qui l’aurait eue ?
- Est-ce que le cannabis déclenche la schizophrénie chez quelqu’un qui ne l’aurait pas forcément eue ?
- Est-ce que la schizophrénie et l’usage du cannabis partagent une vulnérabilité commune, en particulier génétique, qui favorise leur concurrence ?
D’autre part, une étude publiée en 2016 par des chercheur.euse.s de l’Université de Columbia met en avant cette absence de corrélation directe entre herbe et comportements schizophrènes.
Les conclusions intègrent le cannabis dans un ensemble de comportements problématiques qui se voient chez les jeunes susceptibles de souffrir de schizophrénie.
« Dans tous les cas, ces résultats militent pour une approche de prévention et d’éducation de tous les adolescents vis-à-vis des risques associés à l’usage de cannabis dans cette période charnière de constitution du cerveau », souligne dans Ouest-France, Paul Brunault, psychiatre et addictologue, chercheur à l’unité Brain & Imaging, Université de Tours, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)